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Titre du blog : Au coin du Monde
Auteur : lapetitefilledelamer
Date de création : 27-03-2007
 
posté le 01-04-2007 à 19:30:36

Ca vous jette à terre et ça vous laisse à poil...

Vous avez déjà vécu ça, lisez bien (ceci est pour une copine qui vient de perdre 3 kilos...)...

Une passion amoureuse soudaine, bouleversante, inimaginable ? Une douce illusion. Rien n'est plus codifié qu'un coup de foudre, qui ne s'abat jamais par hasard. Explications.

Emilie Lanez (avec Susanna Moreira)

« Je me souviens précisément de la date, c'était le 9 octobre 2002. J'avais rendez-vous avec une copine qui m'avait prévenue qu'elle serait accompagnée de son petit ami, raconte Marion, 28 ans, graphiste à Lyon. Nous nous sommes retrouvés dans le métro. Lorsque Robin m'a regardée pour me dire bonjour, mon coeur s'est mis à battre, j'avais les mains toutes moites, je ne sentais plus mes jambes. Son regard me dérangeait tellement que j'ai préféré m'asseoir à son côté plutôt qu'en face de lui. Je me sentais bizarre, déstabilisée. J'avais très chaud. » Marion demandera à Robin son numéro de téléphone, dont elle ne fera pas usage pendant deux ans. Jusqu'au jour où elle prend le train pour Toulouse, y appelle Robin, qui accourt.

« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue/[...]. Je ne me soutiens plus ; ma force m'abandonne, mes yeux sont éblouis du jour que je revois/et mes genoux tremblants se dérobent sous moi », déclame la Phèdre de Racine. Si l'expression bien sûr diffère, Marion et l'héroïne grecque vivent un identique bouleversement des sens. Rougissements, tremblements, émois et mains moites, rien ne ressemble autant à un coup de foudre qu'un autre coup de foudre. Or les amoureux qui s'éprennent de la sorte sont convaincus du contraire, persuadés d'avoir vécu en cet instant très bref une expérience magique, une fulgurance tricotée avec soin par un hasard audacieux et bienveillant. Ils se trompent. Le coup de foudre donne l'illusion de n'obéir à aucune règle, alors qu'il est parfaitement codifié. Il est l'aboutissement d'une série de mécanismes minutieux, dans lesquels la magie, la destinée, Eros et Cupidon, la providence et la grâce n'ont, ensemble ou séparément, pas eu grand-chose à faire. Pour obtenir un coup de foudre se mettent en branle, en amont, divers mécanismes. Sociologiques d'abord. L'amour ne tombe jamais par hasard sur deux tourtereaux venus de nulle part et se croisant n'importe où. Il est le fruit d'une rigoureuse présélection sociale. Derrière le coup de foudre, on décèlera également le jeu de mécanismes biologiques (voir l'interview de Lucy Vincent, docteur en neuro-sciences), où les hormones accomplissent leur mission millénaire : assurer la survie de l'espèce.

Une mystification. Il est aussi codifié par quelques règles anthropologiques, qui font de lui une réalité universelle, partagée par tous pour faire oublier que sont en jeu de contraignants systèmes d'alliance. Enfin, le coup de foudre obéit à quelques règles que la psychanalyse a percées à jour. Si l'objet d'amour fait mine de surgir par hasard, il vient en fait combler une attente inscrite depuis la première année de maternelle. Bref, le coup de foudre est une conjonction de règles dont le plus génial stratagème est de réussir à faire croire à ses proies consentantes qu'elles demeurent libres, jouets volontaires d'un hasard merveilleux. Une mystification sublime.

Marielle Trolet Ndiaye, cadre supérieure en France, vient, en 1998, consoler son chagrin d'amour dans un village sénégalais. « Je l'ai vu un jour en début d'après-midi, alors qu'il était en train de préparer le thé. Je l'ai trouvé beau, mais j'imaginais que je n'étais pas une femme désirable pour lui », écrira Marielle dans « Femme blanche, Afrique noire » (Grasset). La jeune femme invite le pêcheur sénégalais à la retrouver le lendemain, au bal du 14 Juillet. Tamsir ne vient pas. Elle récidive en proposant un thé chez elle. Ce soir-là, « on a ressenti cette évidence, quelque chose de non calculé, une attirance physique animale. On avait le sentiment qu'on était ensemble depuis très longtemps sinon depuis toujours », raconte Marielle...

Sept ans plus tard, la citadine française et le pêcheur sénégalais, ancien polygame, sont mariés et parents de trois enfants.

Cette rencontre amoureuse est totalement contraire aux règles du coup de foudre, qui unit de préférence ceux qui se ressemblent. C'est en 1964 qu'un sociologue français, Alain Girard, publia les premiers travaux sur le choix du conjoint, conclus par ce théorème : « deux personnes présentant des caractéristiques sociales identiques se choisissent plus souvent que deux personnes dissemblables. » Et depuis 1964, aucun changement n'est à noter. Alors que les Français déménagent, se délocalisent, multiplient leurs lieux de vacances, ils ne tombent amoureux que de leurs voisins de palier. Ou presque. 86,5 % des couples sont formés de conjoints résidant avant même leur rencontre dans le même département (88 % en 1959). A deux bémols près, ajoutés par deux démographes de l'Ined, Michel Bozon et François Héran : les cadres sont plus exogames que les agriculteurs, ils se marient plus hors de leurs frontières géographiques, et les citadins le sont également plus que les ruraux. Ce qui revient à dire en langage de démographe : « L'endogamie diminue si l'on s'élève dans la hiérarchie sociale. » Le cadre supérieur, archidiplômé, vivant au coeur de Paris, a plus de chances de tomber amoureux de quelqu'un vivant à l'autre bout de la France qu'un agriculteur sans diplôme, né et travaillant en Lozère.

On tombe amoureux entre voisins, donc, et plus précisément entre voisins exerçant des professions similaires. Il y a à la fois endogamie géographique et homogamie sociale. « 45 % des couples sont formés de conjoints provenant du même milieu, 69 % de milieux voisins », expose l'Ined. Ce qui permit à Alain Girard de déclamer : « la foudre quand elle tombe ne tombe pas n'importe où. Elle frappe avec prédilection la diagonale », une diagonale illustrée par le tableau ci-dessous. On tombe amoureux de quelqu'un possédant le même niveau d'éducation, un niveau équivalent de diplôme. Et ce n'est pas la profession qu'exercèrent les parents - le « statut hérité » - qui fait loi en la matière, mais bel et bien le statut acquis par les amoureux eux-mêmes. Autrement dit, un fils d'agriculteurs devenu enseignant tombera amoureux d'une enseignante, ou d'un niveau d'études comparable, plutôt que d'une fille d'agriculteurs. Là où donc les tourtereaux croient à l'extraordinaire hasard de la rencontre, qui fit que justement ce soir-là, alors qu'ils ne devaient pas y être, ils tombèrent dans les bras tremblants l'un de l'autre, les démographes n'observent que l'appariement de deux statuts sociaux, deux statuts culturels et d'une forte proximité géographique.
Se retrouver soi-même. Comment expliquer que ces coups de foudre soient ainsi arrangés ? Comment se fait-il qu'à 20 ans, se rendant à une fête chez un copain, perdu de vue depuis le Club Mickey de Bretagne, on tombe éperdument amoureux de la cousine de passage, parce qu'elle a raté son train qui devait la ramener la veille à l'autre bout de la France ? Michel Bozon démontra, dans « Le choix du conjoint » (La Découverte), que deux mécanismes sociaux, inconscients, favorisent cette homogamie : l'endroit où les amoureux se rencontrent et leurs premiers jugements. Si n'importe qui ne rencontre pas n'importe qui, de surcroît cela ne se produit pas n'importe où. Un peu plus clairement, disons que chaque catégorie sociale va chercher l'amour - et le coup de foudre - dans des endroits sociologiquement marqués. Et le tout selon une règle redoutablement simple : plus on monte dans l'échelle sociale, plus l'endroit est fermé. Ce qui revient à dire ceci : les classes modestes se rencontrent plus fortement dans des lieux publics, faciles d'accès. Ainsi des cadres supérieurs bac + 6 vont tomber amoureux au cours d'un dîner chez des amis, cadres supérieurs bac + 6, tandis que des employées vont rencontrer leur partenaire lors d'un bal de 14 Juillet. Pourquoi ? Parce que, lorsqu'on est en chasse pour tomber amoureux, on cherche à se montrer sous son meilleur jour, « à faire briller son capital ». Le cadre supérieur danse mal, mais fait montre d'une conversation raffinée, donc il a intérêt à aller faire le malin dans un dîner composé de semblables, plutôt que de conter fleurette au hasard d'une fête de village.

Le lieu de rencontre ne doit rien au hasard, mais, pour dégringoler encore plus de l'échelle déjà bien savonnée du romantisme, ajoutons que les critères de jugement, les tout premiers regards portés sur le candidat à l'amour, n'ont là encore rien de très poétiques. Dans « apparence physique et choix du conjoint », Michel Bozon démontra, en 1991, que l'on scrute d'emblée chez l'autre certains signes d'appartenance. Les vêtements, la coupe de cheveux, le type de chaussures, l'élocution, le vocabulaire. On cherche à valider dans une check-list, inconsciente mais contraignante, le fait que l'autre vous ressemble. « Le plus sûr garant d'homogamie et par là de reproduction sociale est l'affinité spontanée (vécue comme sympathie) qui rapproche les agents dotés d'habitudes et de goûts semblables, donc produits de conditionnements semblables », écrit, en 1985, Pierre Bourdieu, sociologue et théoricien de la reproduction sociale. Pas très gai. Mais tel est le paradoxe central du coup de foudre : dans la personne dont on tombe amoureux on veut d'abord se retrouver soi-même, tout en croyant mordicus être tombé sur un étranger, tout à fait par hasard. Une contradiction déjà décrite par Racine au XVIIe siècle : « Je suis venu vers vous sans savoir mon dessein/mon amour m'entraînait ; et je venais peut-être/Pour me chercher moi-même, et pour me reconnaître. »
Manque et envie. « J'avais 40 ans, je venais d'apprendre la double vie de mon mari, alors que je partais en voyage à Bali avec mes deux enfants », témoigne Pascale, diététicienne. C'est là qu'elle rencontre pour la première fois Renaud, 46 ans, compositeur. Conversation lénifiante de touristes français se croisant sur une plage balinaise. Pascale ne prête guère attention à cet homme qui se repose là en compagnie de son épouse ; seule sa fille Camille prolonge la conversation avec ces compatriotes et livre le numéro de téléphone familial. Un an plus tard, Renaud les appelle. Camille est absente, Pascale invite Renaud à passer prendre un verre. Il sonne, elle ouvre. « Dès le premier instant, c'est comme si l'on était faits l'un pour l'autre. Une évidence. Tout était à sa place », dit-elle. Il divorce, l'épouse. « C'est une sorte de sixième sens qui se manifeste, lorsque cela tape dans un endroit très précis, il y a comme une corde qui vibre dans ton corps. Et là tu te dis, j'ai rencontré la bonne personne », raconte Renaud. Pourquoi fallut-il à ce couple un an avant de succomber au coup de foudre ? Parce que, si l'on ne tombe pas amoureux de n'importe qui, on ne tombe pas non plus amoureux n'importe comment ni n'importe quand. « Personne ne tombe amoureux s'il est, même partiellement, satisfait de ce qu'il a et de ce qu'il est. L'amour naît d'une surcharge dépressive », affirme le psychosociologue milanais Francesco Alberoni, auteur d'un livre référence, « Le choc amoureux » (Pocket). Mais l'insatisfaction ne suffit pas. Si tel était le cas, le coup de foudre n'aurait pas attendu un an avant de tomber sur Pascale et Renaud. Il faut ajouter à cela, toujours selon Alberoni, « la perception de l'intense vitalité du monde et de son bonheur », dont on se sent misérablement exclu. Du manque donc, et de l'envie. Voilà les ingrédients pour se rendre disponible à recevoir la foudre.

Anne-Gaëlle, 29 ans, costumière, et Alexandre, 31 ans, comédien, se rencontrent au cours d'une séance d'essayage. Ils poursuivent en partageant un verre. Silences, rires faux et expresso. Soudain, Alexandre lance : « j'ai envie d'avoir des enfants, mais ma femme ne veut pas. » « Moi, c'est le contraire. Je voudrais avoir des enfants, mais mon ami n'en veut pas », lui répond Anne-Gaëlle. Trois semaines après, Anne-Gaëlle est enceinte d'Alexandre. Six ans plus tard, leur couple compte trois enfants. « J'avais conscience de faire un truc énorme, mais je savais que je ne pouvais pas reculer et surtout qu'il ne s'agissait pas d'une blague », raconte la jeune femme. « Je vivais depuis six ans avec quelqu'un, mais je ne réalisais pas mon plus grand rêve, celui des enfants. Anne-Gaëlle a accepté mon défi », ajoute Alexandre.
Régression sensorielle. Dans le coup de foudre, conventions et usages se dérèglent. Alexandre ne prononcera plus une telle phrase devant l'une de ses collègues et Anne-Gaëlle ne s'autorisera plus une telle réponse. Pourquoi alors avoir osé en cet instant ? Parce qu'ils se sont psychiquement reconnus. Là encore, ils étaient faits pour se retrouver, chacun venant combler l'attente de l'autre. « Il y a dans le tomber-amoureux quelque chose de l'ordre de la prédestination, explique Philippe Brenot, psychiatre et thérapeute de couple, auteur du « Dictionnaire de la sexualité humaine » (Esprit du Temps). Nous avons tous des images intérieures qui nous travaillent. Ces images sont formées dans l'enfance, avant l'âge de 10 ans, des empreintes amoureuses, oedipiennes, parentales, affectives. Ce sont ces images intérieures qu'on attend de retrouver dans le coup de foudre. » Le coup de foudre est une séquence de trois phases. D'abord, cette reconnaissance chez l'autre des empreintes affectives, inscrites depuis l'âge tendre. Puis s'installe « une énorme emprise hypnotique. On vit une régression sensorielle, tous nos sens se rétrécissant pour ne laisser que celui de la vision. D'où l'expression si juste en anglais "to fall in love at first sight" [tomber amoureux au premier regard]. On voit l'autre, on en tombe immédiatement amoureux, prêt à tout plaquer pour le suivre. Enfin, arrive l'hyper-éveil cortical. On ne ressent plus de fatigue, plus de faim. On est très disponible sexuellement, on n'a plus besoin de phase d'excitation, les inhibitions sont levées, la jouissance est immédiate pour les femmes. Cette phase dure trois semaines. »

« Dans le coup de foudre, il y a une douleur quasi physique et un danger pour la collectivité, dû à la trangression des codes sociaux. On ne sort plus, on ne travaille plus, on évite tous les lieux de convivialité », observe Marie-Noëlle Schurmans, sociologue et professeur à l'université de Genève. Cette universitaire a réalisé un travail inédit : le recueil et le décryptage de 250 récits de coups de foudre, livrés par ceux qui les ont vécus. De ce matériau elle a fait un ouvrage passionnant, « Le coup de foudre amoureux, essai de sociologie compréhensive » (avec Loraine Dominicé, publié aux PUF). Elle s'interroge sur l'utilité sociale du coup de foudre, cet instant violent et mystificateur, puisqu'il vous fait croire que l'autre est un étranger surgi par hasard, pour lequel on ressent paradoxalement une complétude parfaite. « Le mythe du coup de foudre valorise le libre-arbitre dans nos sociétés où l'homogamie persiste. » Mais il sert surtout à faire supporter le couple. Celui qui passé les trois semaines extatiques de frénésie sexuelle va se calmer, ne plus avoir de mains moites et de genoux chancelants, faire avec l'autre les courses au supermarché en tenant la liste. « Le coup de foudre est un récit fondateur. Il sert à faire paraître moins triste le mariage raisonné, conclut Marie-Noëlle Schurmans. Le feu frappé, celui du coup de foudre, existe pour apprivoiser le feu frotté, celui du foyer .»

On veut croire au coup de foudre, se raconter ces histoires folles de couples qui brutalement, sur un quai de métro, ne s'étant jamais croisés auparavant, vont se jeter l'un sur l'autre, s'enfermer pendant des jours. On colporte ces récits où se mêlent bestialité, transgression et magie, pour se dire que c'est un peu dangereux de s'aimer de la sorte, que c'est tout de même plus raisonnable, plus reposant de regarder la télévision ensemble dans le canapé défraîchi. Ce qui, immanquablement, arrivera. Au nom de l'amour. Pauvre Phèdre
Petites annonces du transport amoureux.
«Dimanche soir sur la ligne 5, tu avais une souris blanche que tu rafraîchissais avec une pipette. Nos regards se sont croisés, je voudrais te revoir » ou « TGV Lyon-Paris, 1/7. Vous turban rose et moi étole bleue. Sourires, regards et reflets. J'aurais dû vous parler ». Autant de messages insolites à découvrir sous la rubrique quotidienne « Transport amoureux » des annonces de Libération. Cette chronique existe depuis 2000, même si, dès l'origine du journal, en 1973, on trouvait ce type de déclarations dans le « Supplément sandwich ». La publication du message coûte un peu moins de 30 euros pour une journée. Etonnante particularité, donc : la rencontre est antérieure à l'annonce ! Derrière ces courts textes se cachent des profils et des histoires très variés. « Nous avons discuté pendant un trajet de métro puis de RER, le contact est bien passé, mais je n'ai pas osé lui demander son numéro. Je n'ai toutefois pas beaucoup d'espoir de le revoir », raconte Sophie, designer textile. De même, Emmanuelle, auditrice, avoue ne pas avoir d'« attente démesurée » mais pense que « le hasard fait parfois bien les choses ». Elle précise qu'il s'agit d'« une démarche tout à fait exceptionnelle. Je n'ai jamais passé d'annonces auparavant ». Yvan, fier de son astuce, explique quant à lui : « Dans l'annonce, j'ai tenté de la décrire afin qu'un de ses proches la reconnaisse, au cas où elle ne lise pas Libé. » Un conseil, tout de même : mieux vaut laisser comme coordonnées une boîte mail créée ad hoc plutôt qu'un numéro, au risque de recevoir nombre d'appels malintentionnés ! Audrey Pinson
L'ocytocine, pour qu'amour rime avec toujours

Qu'est-ce qui fait qu'une histoire d'amour dure ou ne dure pas ? Lucy Vincent nous l'explique.

Le Point : L'amour dure trois ans. Vous confirmez ?

Lucy Vincent : L'amour peut durer toute la vie, mais à la fin de la phase d'amour fou, quand on ne bénéficie plus de tous les ajustements cérébraux qui rendaient l'autre irrésistible, il se produit une sorte de réveil. Ceux qui ne connaissent rien à la neurobiologie de l'amour se disent alors « zut, je n'ai pas trouvé le bon, je me suis trompé ». Ils ont l'impression d'avoir été floués, accusent l'autre d'avoir dissimulé ses défauts. Or il s'agit là seulement de la fin du processus d'addiction. Le cerveau reprend son cours normal et retrouve ses capacités de jugement.

Mais pourquoi ce réveil vient-il automatiquement au terme des trois premières années ?

C'est un programme génétique. Le comportement amoureux est né afin d'assurer la reproduction de l'espèce. Pour survivre, le bébé humain, qui est très fragile, a besoin de deux parents, de deux protecteurs, pendant une période de trois ans, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il sache marcher et puisse cueillir un fruit pour se nourrir, échapper à un prédateur. Le seul phénomène qui puisse obliger deux parents à rester ensemble pour assurer la survie de leur enfant, c'est la dépendance l'un de l'autre qui correspond à la toute première phase d'amour.

Au-delà des trois ans commence donc la deuxième phase. Finies la chimie, les hormones, les odeurs ?

Non, pas du tout. La première phase, celle de la folie amoureuse, a laissé des traces, des liens, elle a ébauché une intimité appuyée entre les deux individus. De ces liens, de ces restes de leur phase fusionnelle l'amour se sert pour installer le couple, le « nous ». Il faut alors entretenir ce « nous », le nourrir. La proximité physique et la proximité intellectuelle font libérer de l'ocytocine, un neuromodulateur, qui sert d'hormone du lien, du bien-être. Quand un couple s'embrasse, se caresse, fait l'amour mais aussi lorsqu'il parle, échange ou rit, il y a libération d'ocytocine. Et cela induit du bien-être, stimule le système immunitaire, ralentit le coeur. Avec de l'ocytocine, un couple dure. L'ocytocine, c'est un peu une paire de lunettes roses qui nous fait voir la vie avec bonheur.
On peut donc entretenir son couple en dopant sa sécrétion d'ocytocine ?

Oui, parfaitement. C'est peut-être là que la volonté de durer intervient. Si on décide d'échanger, de parler, de se dévoiler, de se toucher et de dormir dans le même lit, si on a le plaisir de partager, on sécrète de l'hormone du lien, on éprouve du bien-être, le couple vit. Car l'amour est un processus dynamique, il n'est jamais acquis ou achevé mais demande des soins éternellement renouvelés.

Ne pourrait-on se sentir aussi bien tout seul, libérer de l'ocytocine avec des amis, des partenaires de passage ?

Si, tout à fait, dans n'importe quel échange entre deux personnes qui s'accordent, il y a sécrétion d'ocytocine, que le cerveau produit à volonté. L'évolution nous a formés pour l'amour dans l'environnement sauvage que nous avons habité pendant environ deux millions d'années, car le partenaire était vital, il fallait quelqu'un pour vous soigner lorsque vous rentriez de la chasse, pour partager sa nourriture lorsque vous rentriez bredouille, alimenter le feu lorsque vous partiez cueillir. Le couple était une nécessité pour survivre. Aujourd'hui, avec les pompiers, SOS médecins et les livreurs de pizzas, le couple est un luxe. Il faut vouloir l'entretenir Propos recueillis par Emilie Lanez

Une histoire vieille comme le monde

Le roi David aperçut dans son bain une femme dont la beauté le saisit ; il la désira et l'obtint aussitôt. Ainsi, voilà trois mille ans, Bethsabée a provoqué un des premiers « coups de foudre », même si l'expression n'a pris son sens actuel que depuis la fin du XIXe siècle. Si l'histoire en fournit maints exemples, il n'est pas facile d'en mesurer la réalité, la littérature et la légende s'en étant mêlées. En 41 avant notre ère, arrivant à Tarse, « Cléopâtre subjugua Antoine », écrit Plutarque, comme elle avait conquis César sept ans plus tôt. Sur la scène de l'histoire, la foudre amoureuse frappe volontiers un vieillard allumé par une jeunesse. De même que César avait trente ans de plus que la reine d'Egypte, Louis XII, 52 ans, allant près d'Abbeville à la rencontre de sa troisième épouse, Marie d'Angleterre, tomba en extase le 8 octobre 1514, car le coup de foudre ne vaut que s'il est daté, et l'adolescente rouée fit semblant de lui rendre la pareille. Durant le trajet jusqu'à Saint-Denis, le roi se vanta de « faire merveille avecques son Angloise, chaque soir et encoure souventes fois jusqu'au matin ». Il mourut trois mois plus tard... Voici qu'au Louvre, le 23 mai 1625, Anne d'Autriche et Buckingham sont face à face, sans s'être encore jamais vus : « La reine lui parut encore plus aimable que son imagination ne lui avait pu représenter, écrit La Rochefoucauld, et il parut à la reine l'homme le plus digne de l'aimer. » Le 11 octobre 1839, l'arrivée à Londres d'Albert de Saxe-Cobourg étourdit la jeune reine Victoria : « La venue d'Albert a tout bouleversé ! » Ainsi commencèrent plus de vingt ans d'une passion qui tire aussi des accents saisissants, en janvier 1886, au général Georges Boulanger, transporté en quelques secondes à la vue de Marguerite de Bonnemain : « Le jour où elle est apparue, aussitôt j'ai reconnu que mon coeur que je croyais tombé en poussière était aussi assoiffé d'aimer que si j'avais 20 ans. » Mais la plus juste expression du coup de foudre n'est-elle pas dans les mots que trouve Michel de Montaigne pour évoquer Etienne de la Boétie ? « A notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l'un à l'autre. » Laurent Theis


"Connaissez-vous l'histoire ? choubidou, bidou, wouah... de la pt'ite mandarine, choubidou, bidou wouah, qui s'en allait un soir..."



 

Commentaires

m'ailes le 01-04-2007 à 21:16:04
cet article etait le sujet exact de mon expo d'anglais!! ^^

que des biboux pour te souhaiter une bonne smn!